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Quelles obligations de dénonciation de crimes ou délits ?

Quelles obligations de dénonciation de crimes ou délits ?

Quelle obligation de dénonciation de crimes ou délits pour les ministres du culte : les bonnes questions à se poser !

Agressions sexuelles sur mineurs, violences conjugales, aveu de meurtre ou de vol, de faute professionnelle, de fraude fiscale… Certaines informations préoccupantes vous sont confiées dans le cadre de votre ministère. Que faire ?

  • Garder le silence ou signaler les faits aux autorités ? Si oui, à qui et comment ? Est-ce obligatoire ou facultatif ?
  • Avec qui est-ce possible de partager ces informations ?
  • Le secret professionnel du ministre du culte empêche-t-il de signaler les faits ?
  • Quels sont les risques de sanctions ?
  • Faut-il accompagner les personnes victimes dans certaines démarches ?

Autant de questions qui se posent et auxquelles nous nous proposons de répondre sur le plan juridique et pratique afin de faire face aux situations vécues au quotidien dans les églises et les œuvres chrétiennes.

Nous proposons ainsi une série de questions à se poser lorsque vous faites face à ces situations délicates dans le cadre de votre ministère.

1. Les obligations de dénonciation s’appliquent-elles à la situation ?

En France, il n’existe pas d’obligation générale de dénoncer les infractions portées à notre connaissance. Le Code pénal prévoit uniquement dans la section “Des entraves à la saisine de la justice” des délits visant à sanctionner l’omission de dénonciation de certaines infractions aux autorités, et ce dans des cas précis.

Il s’agit des cas où les victimes ne seraient pas elles-mêmes en mesure de porter les faits à la justice ou de contribuer à empêcher la commission d’autres crimes ou délits, soit en raison de la situation ou de la personne de la victime (mineur, vulnérable…). Pour que la saisine de la justice puisse se faire, le tiers qui connaît les faits est donc enjoint de dénoncer les faits.

Dans ces cas, ne pas dénoncer les faits expose à des sanctions pénales. Il est donc important de bien cerner le champ d’application des obligations de dénonciation des crimes et de certains délits qui sont prévus par l’art.434-1 et art. 434-3 du code pénal.

Article 434-1

Le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Sont exceptés des dispositions qui précèdent, sauf en ce qui concerne les crimes commis sur les mineurs :

1° Les parents en ligne directe et leurs conjoints, ainsi que les frères et soeurs et leurs conjoints, de l'auteur ou du complice du crime ;

2° Le conjoint de l'auteur ou du complice du crime, ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui.

Sont également exceptées des dispositions du premier alinéa les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13.

Article 434-3

Le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives ou de continuer à ne pas informer ces autorités tant que ces infractions n'ont pas cessé est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Lorsque le défaut d'information concerne une infraction mentionnée au premier alinéa commise sur un mineur de quinze ans, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

Sauf lorsque la loi en dispose autrement, sont exceptées des dispositions qui précèdent les personnes astreintes au secret dans les conditions prévues par l'article 226-13.

LA PREMIERE QUESTION À SE POSER :

Est ce que les faits relèvent des infractions pénales visées par les articles 434-1 ou 434-3 du code pénal ?

À SAVOIR :

  • un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, ( articles 434-1 code pénal) ex : meutre, viol, torture ou actes de barbarie…
  • privations, mauvais traitements ou agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou d'un état de grossesse (article 434-3 du code pénal)

>>>> Si la réponse est non, il n’y a pas d’obligation de dénonciation. Par exemple, une personne vous confie une faute professionnelle, un vol à l’étalage, une fausse déclaration fiscale…

>>>> Si la réponse est oui, les faits sont donc couverts par les obligations de dénonciation.

Dénoncer : à qui, quoi, quand et comment ?

Dénoncer à qui ?

Uniquement aux autorités ou personnes listées dans les articles de loi.

La jurisprudence est stricte sur ce point (CE, 30 mai 2022, no 448646).

Le fait de porter à la connaissance de la hiérarchie religieuse ou associatives des situations relevant des obligations de non dénonciation en vue d’un règlement interne des situations (sanctions disciplinaires par exemple) ne vaut pas dénonciation. Au contraire, cela peut même être considéré une forme d’entrave supplémentaire à la saisine de la justice, par un règlement parallèle des situations, au détriment du droit des victimes et des exigences légales.

Les autorités qui reçoivent la dénonciation sont :

  • les autorités judiciaires ou administratives pour les crimes et les mauvais traitements sur mineurs ou personnes vulnérables
  • les autorités judiciaires, médicales ou administratives en cas de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. (art. 226-14 code pénal).

En pratique, les autorités à contacter sont :

  • autorités judiciaires et administratives : le Ministère public (procureur de la République), le préfet, le maire, les forces de police et de gendarmerie, et également les personnes qui interviennent pour leur compte.
  • autorités médicales : Le médecin, inspecteur de la santé, appartenant à la Direction départementale de la santé et de l'action sociale, placé sous la direction du préfet (Cass. crim., 13 oct. 1992, n° 91-82.456 : JurisData n° 1992-003307 ; Bull. crim. n° 320). Bien entendu si la victime a besoin de soins (ou de pouvoir ménager des preuves dans les cas d’atteintes sexuelles ou de viol en particulier), vous pouvez l’amener chez le médecin, ainsi que dans le cadre de l’assistance à personne en péril.

Dénoncer quoi ?

“Il s’agit d’une dénonciation de l'existence de l'infraction, et non d’une délation.”(Ph. Bonfils,

Non-dénonciation de crime : JCl. Pénal Code, Art. 434-1 et 434-2, fasc. 20, n° 26)

Il s’agira de rapporter les faits que vous connaissez ni plus, ni moins, en tant que témoin. Vous ne portez pas plainte, puisque vous n’êtes pas la victime. Vous allez simplement indiquer les faits graves ou préoccupants dont vous avez connaissance.

Les autorités désignées se saisiront des faits pour décider des suites à donner (enquête, poursuites, affaire sans suite, …)

Dénoncer quand ?

La non-dénonciation de crime comme la dénonciation de mauvais traitements à mineur ou personne vulnérable doit intervenir immédiatement, ou du moins, le plus vite possible, à compter de la connaissance de l’existence de l’infraction.

L’obligation s’applique à partir du moment où vous connaissez les faits. Ainsi votre responsabilité en cas de non dénonciation existe à partir du moment où vous connaissez les faits et omettez d’aller les porter aux autorités compétentes.

Attention :

La dénonciation de mauvais traitements infligés à un mineur ou à une personne vulnérable s'impose même si les mauvais traitements sont prescrits et tant que la victime n'est pas en état de les dénoncer elle-même. (Cass. crim., 14 avr. 2021, n° 20-81.196).

Cette interprétation récente de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation invite à la plus grande prudence.

La prescription des infractions n’est donc pas à prendre en compte car les règles de prescription sont relativement complexes. Attention, donc si les faits sont anciens, cela ne vous libère pas de votre obligation de dénonciation.

Si la condition tenant à l’état de vulnérabilité de la victime est remplie lorsque vous prenez connaissance des faits, l’obligation s’impose.

Cela requiert donc la connaissance de la minorité de la victime ou de sa situation de vulnérabilité. En l'absence de cette connaissance, l'infraction ne sera pas constituée, faute d'élément intentionnel.

Dans la mesure où la condition de minorité et surtout de vulnérabilité est parfois difficile à apprécier au moment de la connaissance des faits, dans le doute et par prudence, on privilégiera l’application de l’obligation de dénonciation.

L'intention sera déduite de la connaissance des mauvais traitements et de son absence de dénonciation. Ainsi, une cour d'appel (CA Paris, 16 mai 2000, n° 99/01537 : JurisData n° 2000- 126851) a pu valablement condamner une directrice d'un institut médico-éducatif pour mineurs déficients mentaux qui n'avait pas signalé aux autorités administratives ou judiciaires des agressions sexuelles dont des viols commis par et sur des pensionnaires, préférant un règlement en interne, dès lors qu'elle avait connaissance de ces faits soit par l'intermédiaire des victimes elles-mêmes soit par celui des membres du personnel de cet établissement.

Dénoncer comment ?

En pratique, plusieurs possibilités sont ouvertes :

écrire une lettre au procureur de la République (vous pouvez utiliser le modèle ci-joint, sans porter plainte : https://www.service-public.fr/simulateur/calcul/Porter_plainte

déposer une déclaration en gendarmerie ou en poste de police (vous vous rendez en gendarmerie ou au poste de police et déposer une déclaration des faits connus)

En accompagnant la personne chez le médecin, qui lui porte aussi des obligations de signalement.

En utilisant les plateformes publiques spécialisées mises à disposition, notamment :

Pour l’Enfance en danger : appeler le 119 ou signaler en ligne https://www.allo119.gouv.fr/presentation

Violences faites aux femmes : appeler le 3919 ou signaler en ligne

https://arretonslesviolences.gouv.fr/

QUID de la victime ?

Dans tous les cas, il faut prendre un soin particulier pour la victime, puisque le signalement des faits peut avoir des conséquences directes sur elle et ses conditions de vie. Cela peut engendrer des réactions de l’auteur des faits (parents ou conjoints maltraitants par ex., disparition de preuves…). Il faut veiller à la mettre à l’abri et aux mesures préventives nécessaires.

Il est ainsi important que la victime soit informée de vos démarches et de leurs objectifs positifs pour elle. Idéalement, la victime devrait approuver votre décision de dénoncer les faits. Même si elle n’est pas d’accord, vous pouvez signaler les faits aux autorités compétentes, en lui rappelant le cadre de vos obligations légales.

Il ne faut pas hésiter à diriger la victime vers des associations comme France Victimes (appel 116 006 et contacts en ligne) pour un accompagnement spécialisé, pas à pas. (accompagnement que l’Eglise ou votre association ne peut offrir). Il est important de s’appuyer sur des acteurs compétents et spécialistes dans ces domaines, ils prendront le relais.

2. Ai-je rempli mon obligation de porter assistance à personne en péril ?

A ce stade avant d’aller plus loin concernant la question du secret professionnel, il faut considérer l’obligation de porter assistance à personne en péril.

LA DEUXIEME QUESTIONS À SE POSER :

Ai-je pris les mesures nécessaires pour mettre les personnes hors de danger ?

En effet, dans tous les cas, l’obligation de porter assistance à personne en péril (art. 223-6 du Code pénal) s’applique.

Il s’agit de, sans risque pour soi même ou pour les tiers :

  • empêcher par son action immédiate, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne
  • porter à une personne en péril l'assistance, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

Par conséquent, en plus des obligations de dénonciation, une action est requise pour mettre à l’abri la personne concernée ou lui apporter un secours. Il peut s’agir, suivant le cas, d’héberger une personne pour l’éloigner des risques de violences à son domicile, d’amener une personne aux urgences médicales, d’appeler les pompiers…

Article 223-6

Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le crime ou le délit contre l'intégrité corporelle de la personne mentionnée au premier alinéa est commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril mentionnée au deuxième alinéa est un mineur de quinze ans.

3. Le secret professionnel s’applique-t-il à la situation ?

LA TROISIÈME QUESTION À SE POSER :

Le secret professionnel s’applique-t-il à la situation et quelles conséquences en tirer ?

C’est la question la plus complexe techniquement mais aussi humainement, si l’option de conscience s’applique. Voici les textes du code pénal de référence :

Article 226-13

La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Article 226-14

L'article 226-13 n'est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n'est pas applicable :

1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;

…Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s'il est établi qu'il n'a pas agi de bonne foi.

Dans le cadre du ministère cultuel, une fois que l’on a porté secours à la personne en péril, la question à se poser porte sur le secret professionnel. L’articulation entre les obligations de dénonciation et le secret professionnel est assez complexe, les articles renvoyant les uns aux autres.

Le secret professionnel (art.226-13 et 14 du Code pénal) s’impose aux ministres du culte et aux personnes qui exercent un ministère cultuel dans l'église ou les œuvres. Il s’agit de l’obligation de ne pas révéler les éléments connus dans le cadre du ministère cultuel.

Or les obligations de dénonciation impliquent de révéler des faits qui peuvent être connus dans le cadre du ministère cultuel.

Le secret professionnel s’applique de manière générale mais le code pénal prévoit qu’il puisse être écarté dans plusieurs cas précis, ouvrant à l’option de conscience.

Cela permet, dans ces cas déterminés, aux ministres du culte de signaler de bonne foi les faits sans être sanctionnés pour violation du secret professionnel, à quelque titre que ce soit (civil, pénal ou disciplinaire).

Ainsi, le secret professionnel ne s’applique pas :

1. Premier cas : article 226-14 du code pénal :

1° A celui qui :

  • informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives
  • de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles,
  • dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique.

2. Deuxième cas :

A celui qui dénonce des faits de crimes ou de mauvais traitements sur mineurs ou personnes vulnérables. Les articles 434-1 et 434-4 (derniers alinéas) du code pénal prévoient l’option de conscience puisque les obligations de dénonciation ne s’appliquent pas aux personnes soumises au secret professionnel. Ces articles n’imposent donc pas la révélation des faits couverts par le secret mais la permettent. Ceci est confirmé par la circulaire d'application du Code pénal en précisant que le législateur a pensé aux médecins qui sont aussi astreints au secret professionnel, en estimant que “ces derniers ne devaient pas être obligés, sous peines de sanctions pénales, de signaler des mauvais traitements, afin d'éviter que les auteurs des sévices n'hésitent à faire prodiguer à l'enfant les soins nécessaires par crainte d'être dénoncés”.

Ainsi peut s’ouvrir la possibilité d’une option de conscience, c’est-à-dire que la dénonciation soit considérée légalement comme une faculté et non plus comme une obligation, laissant donc place à un choix personnel en conscience du ministre du culte.

S’il y a dénonciation des faits, la violation du secret professionnel ne pourra pas être retenue.

S’il n’y a pas dénonciation des faits, la violation de l’obligation de dénonciation ne pourra pas être retenue.

Cela place donc le ministre du culte devant une liberté et une responsabilité accrues en matière de connaissance de faits graves.

C’est pour cela que le champ d’application du secret professionnel est si déterminant.

En dehors du secret professionnel, il faut dénoncer les faits, sous peine de sanctions pénales. Les victimes, qui se seraient confiées, peuvent porter plainte pour non dénonciation de crimes ou de délits ou d’actes de maltraitance.

Pour éviter que le ministre du culte ne se réfugie à tort derrière le secret professionnel dans les cas les plus graves, la circulaire du ministère de la justice de 2004 sur le secret professionnel des ministres du culte dispose « C'est pourquoi vous veillerez à ce que les procureurs de la République fassent diligenter de manière systématique des enquêtes dès lors qu'existe une suspicion de non révélation de crime ou de mauvais traitements ou de privations infligés à des mineurs de moins de quinze ans ou à une personne vulnérable, afin de pouvoir déterminer avec précision dans quel cadre le représentant du culte concerné a eu connaissance des faits.”

Des sanctions de peines de prison et d’amendes, ainsi que des dommages et intérêts pour les parties civiles peuvent être décidées dans le cadre d’une affaire portée devant le tribunal correctionnel. Cela n’est pas théorique puisque les affaires récentes illustrent l’application des textes avec une certaine fermeté.

Le secret professionnel doit donc être considéré de manière restreinte, comme une exception. En cas de contentieux, il faudra être en mesure de prouver que les informations ont bien été connues dans le cadre du ministère cultuel pour démontrer que l’option de conscience s’appliquait.

A défaut, la violation de l’obligation de dénonciation sera retenue par le tribunal.

Dans les cas où l’on aurait soi-même écarté le secret professionnel (par ex, en partageant l’information à des tiers dans le cadre d’une procédure interne disciplinaire, sans la dénoncer aux autorités compétentes ), il serait difficile de soulever l’application du secret professionnel en cas de plainte pour non-dénonciation par la victime.

Qui est soumis au secret professionnel dans l’Eglise ?

Le Code Pénal ne donne pas de liste des professions visées mais prévoit quatre catégories de personnes pouvant être tenues au secret. Une personne peut être dépositaire de l'information soit par : − son état − sa profession − en raison de sa fonction − en raison d'une mission temporaire.

S'agissant des ministres du culte, cette rédaction vise tout ministre du culte, quelque soit sa position au sein de la hiérarchie ecclésiastique et sa position sociale. Si une personne occupe une fonction de ministre du culte, de pasteur, même bénévolement sans que ce soit sa profession, elle est tenue au secret professionnel. Un ministre du culte retraité qui exerce des activités pastorales sera aussi soumis au secret, en raison de son état de ministre du culte. Les personnes qui occupent des fonctions ou des missions temporaires de type pastoral, comme les stagiaires ou les pasteurs en année probatoire par exemple, sont soumis au secret professionnel.

Cette formule générale englobe non seulement le ministre du culte mais également tout officiant assimilable à un ministre du culte ainsi que toute personne assurant une mission religieuse, tels les diacres, les coopérateurs de mission pastorale. Cela vaut également pour les collaborateurs recevant des informations confidentielles, telles les épouses de pasteur, ou les membres d'un conseil d'église ou les anciens.

Le cercle des personnes susceptibles d'être concernées par le secret professionnel est bien plus vaste que le seul ministre du culte. Il s'en va des « confidents nécessaires » ( Comme dans le cas de l'Église catholique ou orthodoxe, où les prêtres en tant que des confesseurs en raison du sacrement de la confession, sont des confidents nécessaires selon la religion considérée) comme des « confidents choisis » et de toute personne qui occupe dans les faits, à la réception des informations, une position de ministre du culte.

Pour autant, par opposition, n'est pas soumis au secret une personne qui n'est pas dépositaire des informations soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire. Ainsi lorsque les informations ont été reçues hors champ du ministère cultuel, sans relation avec cette profession, l'obligation au secret ne s'applique pas. Lorsque les informations ont été reçues par exemple exclusivement en tant qu'ami, que parent, que médiateur, supérieur hiérarchique comme l'illustre la jurisprudence. (Trib. Basse Terre 14 octobre 1985, CA Toulouse 14 mars 1928, T. Correctionnel Caen 4 septembre 2001).

En pratique, la distinction sera souvent difficile à établir et la ligne de partage entre les activités exclusivement religieuse et celles de conseil, de confident ou d'ami délicate à dessiner. Ce sont les circonstances de l'espèce qui permettront de déterminer si la personne intéressée est « dépositaire » d'une information soumise au secret. Par nature, le ministre du culte et toute personne assumant de fait l'exercice d'un ministère cultuel seront à la croisée de nombreuses confidences à l'occasion des événements de vie des personnes (maladie, aléas de la vie sociale, mariage, décès, naissance...). Il ne sera donc pas rare que les informations soient confiées par les personnes en raison de ces attributions cultuelles, des qualités d'écoute et de soutien qu'elles confèrent et nécessairement en raison de la confidentialité attendue.

Quelles informations sont couvertes par le secret ?

Les confidences, confession, informations relevées lors de visite pastorale, observations de comportements ou de traces de coups ou de blessures dans l’exercice du ministère cultuel…

La notion d'information à caractère secret s'entend d'une information touchant à la vie privée de la personne qu'elle soit expressément confiée au dépositaire ou connue de lui à l'occasion de son ministère. En effet, mis en parallèle avec la situation du secret médical, le secret professionnel du ministre du culte s'étendra à « tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est à dire non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris. »

Les confidences mais aussi les constatations du ministre du culte (ce qu'il a vu, entendu compris) seront donc couvertes par le secret. (par exemple : le comportement violent d'un conjoint ou d'un parent lors d'un repas auquel le ministre du culte est convié.) Sont par ailleurs couvertes par le secret des informations négatives (aveu de fautes ou opinions répréhensibles par exemple) comme des informations qui mettraient à l'honneur les personnes (opinions, hauts faits, expériences) dés lors qu'elles sont confiées au ministre du culte.

Depuis la décision du tribunal correctionnel du 4 septembre 2001, dans l'affaire de l'Évêque de Bayeux, une nuance se serait ajoutée. Il s'agit de distinguer entre la confidence directe et spontanée, sujette au secret, et l'information reçue de manière indirecte, dans le cadre d'une recherche, d'une enquête organisée par le dépositaire. Dans cette instance, le tribunal s'est prononcé contre une conception extensive du secret en considérant que n'étaient pas couvertes par le secret les informations qui provenaient d'une recherche menée par le dignitaire et non d'une confidence spontanée du prêtre. Nulle confession ou confidence n'était ainsi intervenue entre le prêtre incriminé et son supérieur hiérarchique, ce dernier ayant mené enquête et étant venu à la connaissance des faits de manière indirecte. Cette analyse a permis en l'espèce de limiter le champ du secret professionnel, au profit de l'obligation de dénonciation de sévices sexuelles sur les mineurs. Il faudra donc examiner de près les conditions dans lesquelles l'information a été apprise par le ministre du culte.

Pour aller plus loin sur le secret professionnel : Note générale : SECRET PROFESSIONNEL DES MINISTRES DU CULTE (commission juridique du CNEF).

LA TROISIÈME QUESTION À SE POSER EST DONC PLUS PRÉCISÉMENT :

Ai-je eu connaissance de ces faits dans le cadre de mon ministère ?

  • NON = Si ce n’est pas le cas et que les informations ont été connues en dehors du ministère, le secret professionnel ne s’applique pas. Tel est le cas par exemple lors que l’information a été reçue en tant qu’ami, au travers d’une enquête menée volontairement, en tant que parent par exemple. Dans ce cas, il faut donc signaler les faits aux autorités désignées par le code pénal. (voir point IV))
  • OUI = Si les informations ont été connues dans l’exercice du ministère cultuel, le secret professionnel s’applique à toutes les informations connues. L’option de conscience est ouverte dans le cas des articles 226-14, 434-1 et 434-3 du code pénal : vous pouvez choisir de saisir les autorités compétentes des faits connus (crime ou mauvais traitements, privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes ou mutilations sexuelles, contre mineurs ou personnes vulnérables) ou de garder le secret.

Option de conscience ?

A vous de peser les tenants et aboutissants de la situation.

Deux points essentiels :

Les obligations de dénonciation existent pour permettre que la justice soit saisie, lorsque les victimes ne peuvent se défendre elles-mêmes en raison de leur minorité ou de leur état de vulnérabilité ou de la gravité des faits commis contre elles (crimes). La dénonciation de faits permet que la justice soit saisie de faits graves.

Il s’agit de dénoncer des faits, non des personnes. Il ne s’agit en aucun cas de se substituer à la justice car le pouvoir d’enquête et de recherche de la vérité ne vous appartient pas.

S’il est possible d’accompagner les victimes ou de les mettre en relation avec d’autres associations (comme France Victime par exemple), la responsabilité de dénoncer les faits reste personnelle et les sanctions graves (voir V.)

La dénonciation s’opère auprès d’autorités publiques (judiciaires, administratives, médicales). Le partage des faits avec une autorité religieuse ou associative n’est pas constitutif de la dénonciation.

Le secret professionnel existe, certes pour garantir la confiance envers les professionnels, mais son objectif reste secondaire par rapport à l'accès à la justice pour les victimes. Il est donc une exception et en cas de contentieux, vous devrez prouver que le secret s’applique.

Ainsi faut-il bien considérer la situation, notamment si l’auteur présumé des faits peut récidiver, mettre en danger la victime ou d’autres personnes, en particulier des mineurs ou des personnes vulnérables.

L’option de conscience est à peser avec sagesse. En cas de doute, il est préférable de prendre conseil auprès d’un avocat.

4. Questions fréquemment posées

Quelles sont les sanctions ?

Non dénonciation de crimes :

trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende

Non dénonciation de mauvais traitement sur mineurs ou personnes vulnérables

trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Non dénonciation d’infraction commise sur un mineur de quinze ans : cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

Non assistances à personne en péril :

cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende

sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende/ crime ou le délit contre l'intégrité corporelle commis sur un mineur de quinze ans ou lorsque la personne en péril est un mineur de quinze ans.

Violation du secret professionnel : an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende

Quelles sont les règles de prescription ?

En d’autres termes, au bout de combien de temps, peut-on estimer que le délit de non dénonciation est prescrit, c’est-à-dire qu’il ne pourra plus y avoir de plainte et d’action en justice concernant ces faits ?

Pour les délits de non-dénonciation, il s’agit de 6 ans.

La non-dénonciation de crimes et de mauvais traitements est un délit instantané pour lequel la prescription commence à courir au moment où la personne mise en cause prend connaissance des faits susceptibles de constituer l’infraction.

S’agissant d’une infraction instantanée, elle est donc commise au moment où la dénonciation est requise. S'agissant d'un délit, la prescription de l'action publique intervient donc 6 ans après ce moment-là (moment de connaissance des faits et d’absence de dénonciation).

Cependant, la jurisprudence pourrait évoluer sur ce point car cette solution est critiquée par plusieurs auteurs de doctrine juridique. Les règles de suspension de prescription en cas d’infractions occultes ou dissimulées, qui peuvent être l’objet de la non dénonciation, pourraient aussi allonger le délai de prescription.

Pour le délit de non assistance à personne en péril, le délai de prescription est également de 6 ans à compter des faits (infraction instantanée).

Pour la violation du secret professionnel : le délai de prescription est également de 6 ans à compter des faits (infraction instantanée).

Dénonciation ou plainte ?

La plainte est déposée par la personne lésée par l’infraction ou par ses ayants cause.

La dénonciation est l’acte par lequel un tiers porte à la connaissance des autorités de police ou de justice des faits dont il n’a pas été victime.

La dénonciation se fait donc à titre de témoin des faits.

On parle de dénonciation en référence aux articles du code pénal.

Y a-t-il d’autres obligations de dénonciation ?

Dans le cadre de la fonction publique il existe effectivement d’autres obligations de dénonciation mais cela ne concerne pas le cadre associatif qui relève du droit privé.

Art 40 ALINEA 2 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

Le procureur de la République reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner conformément aux dispositions de l'article 40-1.

Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.”

Voir aussi : Lanceur d'alerte dans la fonction publique : quelles sont les règles ? Cliquez ici.

Quels risques de dénonciation calomnieuse ?

Les obligations de dénonciation de crime ou de mauvais traitements doivent être exécutées de bonne foi et sans intention de nuire.

Il existe en parallèle un délit de dénonciation calomnieuse qui protège les individus et les personnes morales contre les dénonciations mal intentionnées : ces dernières se fondent sur des déclarations totalement ou partiellement inexactes et avec l’intention de nuire à la personne visée par les sanctions.

La dénonciation calomnieuse peut être soulevée par la personne, auteur des faits dénoncés.

Néanmoins, lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites pénales (exemple : poursuite pour viol), il faudra attendre la décision judiciaire concernant les faits dénoncés (exemple : l’accusé, est finalement jugé non coupable de viol et relaxé ), avant que la plainte pour dénonciation calominieuse soit instruite (exemple : la personne qui a dénoncé avec intention de nuire, est poursuivie et reconnue coupable).

Article 226-10 Code pénal

La dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci.

En savoir plus

Circulaire relative au secret professionnel des ministres du culte et aux perquisitions et saisies dans les lieux de culte CRIM 2004-10 E1/11-08-2004 NOR : JUSD0430163C - Cliquez ici.

Cour de Cassation 14 avril 2022 - Cliquez ici.

RESSOURCES DU CNEF
Livret Abus :
Note Commission juridique/
secret professionnel,
protection contre les abus

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